S. m. (Morale) Il est l'estime de nous mêmes, et le sentiment du droit que nous avons à l'estime des autres, parce que nous ne nous sommes point écartés des principes de la vertu, et que nous nous sentons la force de les suivre. Voilà l'honneur de l'homme qui pense, et c'est pour le conserver qu'il remplit avec soin les devoirs de l'homme et du citoyen.

Le sentiment de l'estime de soi-même est le plus délicieux de tous ; mais l'homme le plus vertueux est souvent accablé du poids de ses imperfections, et cherche dans les regards, dans le maintien des hommes, l'expression d'une estime, qui le reconcilie avec lui-même.

De là deux sortes d'honneur ; celui qui est en nous fondé sur ce que nous sommes ; celui qui est dans les autres, fondé sur ce qu'ils pensent de nous.

Dans l'homme du peuple, et par peuple j'entends tous les états, je n'en sépare que l'homme qui examine l'étendue de ses devoirs pour les remplir, et leur nature pour ne s'imposer que des devoirs véritables. Dans l'homme du peuple, l'honneur est l'estime qu'il a pour lui-même, et son droit à celle du public, en conséquence de son exactitude à observer certaines lois établies par les préjugés et par la coutume.

De ces lais, les unes sont conformes à la raison et à la nature ; d'autres leur sont opposées, et les plus justes ne sont souvent respectées que comme établies.

Chez les peuples les plus éclairés, la masse des lumières n'est jamais répandue, le peuple n'a que des opinions recues et conservées sans examen, étrangères à sa raison ; elles chargent sa mémoire, dirigent ses mœurs, gênent, repriment, secondent, corrompent et perfectionnent l'instinct de la nature.

L'honneur, chez les nations les plus polies, peut donc être attaché, tantôt à des qualités et à des actions estimables, souvent à des usages funestes, quelquefois à des coutumes extravagantes, quelquefois à des vices.

On honore encore aujourd'hui dans certains pays de l'Europe, la plus lâche et la plus odieuse des vengeances, et presque par-tout, malgré la religion, la raison et la vertu, on honore la vengeance.

Chez une nation polie, pleine d'esprit et de force, la paresse et la gravité sont en honneur.

Dans la plus grande partie de l'Europe, une mauvaise application de la honte attachée à ce qu'on appelle se démentir, force quiconque a été injuste un moment, à être injuste toute sa vie.

S'il y a des gouvernements où le caprice décide indépendamment de la loi, où la volonté arbitraire du prince, ou des ministres, distribue, sans consulter l'ordre et la justice, les châtiments et les récompenses, l'âme du peuple engourdie par la crainte, abattue par l'autorité, reste sans élévation ; l'homme dans cet état n'estime, ni lui, ni son semblable ; il craint plus le supplice que la honte, car quelle honte ont à craindre des esclaves, qui consentent à l'être ? Mais ces gouvernements durs, injustes, cruels, injurieux à l'humanité, ou n'existent pas, ou n'existent que comme des abus passagers, et ce n'est jamais dans cet état d'humiliation qu'il faut considérer les hommes.

Un génie du premier ordre a prétendu que l'honneur était le ressort des monarchies, et la vertu celui des républiques. Est-il permis de voir quelques erreurs dans les ouvrages de ce grand homme, qui avait de l'honneur et de la vertu !

Il ne définit point l'honneur, et on ne peut en le lisant, attacher à ce mot une idée précise.

Il définit la vertu, l'amour des lois et de la patrie.

Tous les hommes, du plus au moins, aiment leur patrie, c'est-à-dire, qu'ils l'aiment dans leur famille, dans leurs possessions, dans leurs concitoyens, dont ils attendent et reçoivent des secours et des consolations. Quand les hommes sont contens du gouvernement sous lequel ils vivent, quel que soit son genre, ils aiment les lais, ils aiment les princes, les magistrats qui les protegent et les défendent. La manière dont les lois sont établies, exécutées, ou vengées, la forme du gouvernement, sont ce qu'on appelle l'ordre politique. Je crois que le président de Montesquieu se serait exprimé avec plus de précision ; s'il avait défini la vertu, l'amour de l'ordre politique et de la patrie.

L'amour de l'ordre est dans tous les hommes.

Ils aiment l'ordre dans les ouvrages de la nature, ils aiment les proportions et la symétrie dans cet arbre, dont les feuilles se répandent en cercle sur la tige, dans les différents émaux distribués symétriquement sur l'insecte, la fleur et le coquillage, dans l'assemblage des différentes parties qui composent la figure des animaux. Ils aiment l'ordre dans les ouvrages de l'art : les proportions et la symétrie dans un poème, dans une pièce de musique, dans un bâtiment, dans un jardin, donnent à l'esprit la facilité de rassembler dans un moment et sans peine, une multitude d'objets, de voir d'un coup d'oeil un tout, de passer alternativement d'une partie à l'autre sans s'égarer, de revenir sur ses pas quand il le veut, de porter son attention où il lui plait, et d'être sur que l'objet qui l'occupe, ne lui fera pas perdre l'objet qui vient de l'occuper.

L'ordre politique, outre le plaisir secret de rassembler et de conserver dans l'esprit beaucoup de connaissances et d'idées, nous donne encore le plaisir de les admirer ; il nous étonne, et nous donne une grande idée de notre nature. Nous le trouvons difficile, utîle et beau ; nous voyons avec surprise naître d'un petit nombre de causes, une multitude d'effets. Nous admirons l'harmonie des différentes parties du gouvernement, et dans une monarchie, comme dans une république, nous pouvons aimer jusqu'au fanatisme cet ordre utile, simple, grand, qui fixe nos idées, elève notre âme, nous éclaire, nous protege, et décide de notre destinée. L'agriculteur français ou romain, le patricien ou le gentilhomme, contens de leur gouvernement, aiment l'ordre et la patrie. Dans la monarchie des Perses, on n'approchait point des autels des dieux, sans les invoquer pour la patrie ; il n'était pas permis au citoyen de ne prier que pour lui seul. La monarchie des Incas n'était qu'une famille immense, dont le monarque était le père. Les jours où le citoyen cultivait son champ, étaient des jours de travail ; les jours où il cultivait le champ de l'état et du pauvre, étaient des jours de fêtes. Mais dans la monarchie, comme dans la république, cet amour de la patrie, cette vertu, n'est le ressort principal, que dans quelques situations, dans quelques circonstances : l'honneur est par-tout un mobîle plus constamment actif. Les couronnes civiques et murales, les noms des pays de conquêtes donnés aux vainqueurs, les triomphes excitaient aux grandes actions les âmes romaines, plus que l'amour de la patrie. Qu'on ne me dise point que je confonds ici l'honneur et la gloire, je sais les distinguer, mais je crois que par-tout où on aime la gloire, il y a de l'honneur. Il soutient avec la vertu les faisceaux du consul et le sceptre des rois ; l'honneur ou la vertu dans la république, dans la monarchie, sont le principal ressort, selon la nature des lais, la puissance, l'étendue, les dangers, la prospérité de l'état.

Dans les grands empires, on est plus conduit par l'honneur, par le désir et l'espérance de l'estime. Dans les petits états il y a plus, l'amour de l'ordre politique et de la patrie ; il règne dans ces derniers un ordre plus parfait. Dans les petits états, on aime la patrie, parce que les liens qui attachent à elle, ne sont presque que ceux de la nature ; les citoyens sont unis entr'eux par le sang, et par de bons offices mutuels ; l'état n'est qu'une famille, à laquelle se rapportent tous les sentiments du cœur, toujours plus forts, à proportion qu'ils s'étendent moins. Les grandes fortunes y sont impossibles, et la cupidité moins irritée ne peut s'y couvrir de ténèbres ; les mœurs y sont pures, et les vertus sociales y sont des vertus politiques.

Remarquez que Rome naissante et les petites républiques de la Grèce, où a regné l'enthousiasme de la patrie, étaient souvent en danger ; la moindre guerre menaçait leur constitution et leur liberté. Les citoyens, dans de grands périls, faisaient naturellement de grands efforts ; ils avaient à espérer du succès de la guerre la conservation de tout ce qu'ils avaient de plus cher. Rome a moins montré l'amour extrême de la patrie, dans la guerre contre Pyrrhus, que dans la guerre contre Porsenna, et moins dans la guerre contre Mithridate, que dans la guerre contre Pyrrhus.

Dans un grand état, soit république, soit monarchie, les guerres sont rarement dangereuses pour la constitution de l'état, et pour les fortunes des citoyens. Le peuple n'a souvent à craindre que la perte de quelques places frontières ; le citoyen n'a rien à espérer du succès de la nation ; il est rarement dans des circonstances où il puisse sentir et manifester l'enthousiasme de la patrie. Il faut que ces grands états soient menacés d'un malheur qui entraînerait celui de chaque citoyen, alors le patriotisme se reveille. Quand le roi Guillaume eut repris Namur, on établit en France la capitation, et les citoyens charmés de voir une nouvelle ressource pour l'état, reçurent l'édit de cet impôt avec des cris de joie. Annibal, aux portes de Rome, n'y causa ni plus de douleurs, ni plus d'alarmes, que de nos jours en ressentit la France pendant la maladie de son roi. Si la perte de la fameuse bataille d'Hochstet a fait faire des chansons aux François mécontens du ministre ; le peuple de Rome, après la défaite des armées romaines, a joui plus d'une fois de l'humiliation de ses magistrats.

Mais pourquoi cet honneur mobîle presque toujours principal dans tous les gouvernements, est-il quelquefois si bizarre ? pourquoi le place-t-on dans des usages ou puériles, ou funestes ? pourquoi impose-t-il quelquefois des devoirs que condamnent la nature, la raison épurée et la vertu ? et pourquoi dans certains temps est-il particulièrement attribué à certaines qualités, certaines actions, et dans d'autres temps, à des actions et à des qualités d'un genre opposé ?

Il faut se rappeler le grand principe de l'utilité de David Hume : c'est l'utilité qui décide toujours de notre estime. L'homme qui peut nous être utîle est l'homme que nous honorons ; et chez tous les peuples, l'homme sans honneur est celui qui par son caractère est censé ne pouvoir servir la société.

Mais certaines qualités, certains talents, sont en divers temps plus ou moins utiles ; honorés d'abord, ils le sont moins dans la suite. Pour trouver les causes de cette différence, il faut prendre la société dans sa naissance, voir l'honneur à son origine, suivre la société dans ses progrès, et l'honneur dans ses changements.

L'homme dans les forêts où la nature l'a placé, est né pour combattre l'homme et la nature. Trop faible contre ses semblables, et contre les tigres, il s'associe aux premiers pour combattre les autres. D'abord la force du corps est le principal mérite ; la débilité est d'autant plus méprisée, qu'avant l'invention de ces armes, avec lesquels un homme faible peut combattre sans désavantage, la force du corps était le fondement de la valeur. La violence fût-elle injuste, n'ôte point l'honneur. La plus douce des occupations est le combat ; il n'y a de vertus que le courage, et de belles actions que les victoires. L'amour de la vérité, la franchise, la bonne-foi, qualités qui supposent le courage, sont après lui les plus honorées ; et après la faiblesse, rien n'avilit plus que le mensonge. Si la communauté des femmes n'est pas établie, la fidélité conjugale sera leur honneur, parce qu'elles doivent, sans secours, préparer le repas des guerriers, garder et défendre la maison, élever les enfants ; parce que les états étant encore égaux, la convenance des personnes décide des mariages ; que le choix et les engagements sont libres, et ne laissent pas d'excuse à qui peut les rompre. Ce peuple grossier est nécessairement superstitieux, et la superstition déterminera l'espèce de son honneur, dans la persuasion que les dieux donnent la victoire à la bonne cause. Les différents se decideront par le combat, et le citoyen par honneur, versera le sang du citoyen. On croit qu'il y a des fées qui ont un commerce avec les dieux, et le respect qu'on a pour elles, s'étend à tout leur sexe. On ne croit point qu'une femme puisse manquer de fidélité à un homme estimable, et l'honneur de l'époux dépend de la chasteté de son épouse.

Cependant les hommes dans cet état, éprouvent sans-cesse de nouveaux besoins. Quelques-uns d'entr'eux inventent des arts, des machines. La société entière en jouit, l'inventeur est honoré, et l'esprit commence à être un mérite respecté. A mesure que la société s'étend et se polit, il nait une multitude de rapports d'un seul à plusieurs ; les rivalités sont plus fréquentes, les passions s'entreheurtent ; il faut des lois sans nombre ; elles sont sévères, elles sont puissantes, et les hommes forcés à se combattre toujours, le sont à changer d'armes. L'artifice et la dissimulation sont en usage ; on a moins d'horreur de la fausseté, et la prudence est honorée. Mille qualités de l'âme se découvrent, elles prennent des noms, elles ont un usage : elles placent les hommes dans des classes plus distinguées les unes des autres, que les nations ne l'étaient des nations. Ces classes de citoyens ont de l'honneur des idées différentes.

La supériorité des lumières obtient la principale estime ; la force de l'âme est plus respectée que celle du corps. Le législateur attentif excite les talents les plus nécessaires ; c'est alors qu'il distribue ce qu'on appelle les honneurs. Ils sont la marque distinctive par laquelle il annonce à la nation qu'un tel citoyen est un homme de mérite et d'honneur. Il y a des honneurs pour toutes les classes. Le cordon de S. Michel est donné au négociant habîle et à l'artisan industrieux ; pourquoi n'en décorerait-on pas le fermier intelligent, laborieux, économe, qui fructifie la terre ?

Dans cette société, ainsi perfectionnée, plusieurs hommes, après avoir satisfait aux fonctions de leur état, jouissent d'un repos qui serait empoisonné par l'ennui sans le secours des arts agréables ; ces arts, dans cette société non-corrompue, entretiennent l'amour de la vertu, la sensibilité de l'âme, le goût de l'ordre et du beau, dissipent l'ennui, fécondent l'esprit ; et leurs productions devenues un des besoins principaux des premières classes des citoyens, sont honorées de ceux même qui ne peuvent en jouir.

Dans cette société étendue, des mœurs pures paraissent moins utiles à la masse de l'état que l'activité et les grands talents ; ils conduisent aux honneurs, ils ont l'estime générale, et souvent on s'informe à peine si ceux qui les possèdent ont de la vertu : bien-tôt on ne rougit plus que d'être sot ou pauvre.

La société se corrompt de jour en jour : on y a d'abord excité l'industrie, et même la cupidité, parce que l'état avait besoin des citoyens opulents ; mais l'opulence conduit aux emplois, et la vénalité s'introduit alors. Les richesses sont trop honorées, les emplois, les richesses sont héréditaires, et l'on honore la naissance.

Si le bonheur de plaire aux princes, aux ministres, conduit aux emplois, aux honneurs, aux richesses ; on honore l'art de plaire.

Bien-tôt il s'élève des fortunes immenses et rapides ; il y a des honneurs sans travail, des dignités, des emplois sans fonctions. Les arts de luxe se multiplient, la fantaisie attache un prix à ce qui n'en a pas ; le goût du beau s'use dans des hommes desœuvrés qui ne veulent que jouir ; il faut du singulier, les arts se dégradent, le frivole se répand, l'agréable est honoré plus que le beau, l'utîle et l'honnête.

Alors les honneurs, la gloire même, sont séparés du véritable honneur, il ne subsiste plus que dans un petit nombre d'hommes, qui ont eu la force de s'éclairer et le courage d'être pauvres : l'honneur de préjugé est éteint ; et cet honneur qui soutenait la vigueur de la nation, ne règne pas plus dans les secondes et dernières classes que le véritable honneur dans la première.

Mais dans une monarchie, celui de tous les gouvernements qui réforme le plus aisément ses abus et ses mœurs sans changer de nature, le législateur voit le mal, tient le remède, et en fait usage.

Que dans tous les genres il décore de préférence les talents unis à la vertu, et que sans elle le génie même ne puisse être ni avancé ni honoré, quelque utîle qu'il puisse être ; car rien n'est aussi utîle à un état que le véritable honneur.

Que le vice seul soit flétri, qu'aucune classe de citoyens ne soit avilie, afin que dans chaque classe tout homme puisse bien penser de lui-même, faire le bien, et être content.

Que le prince attache l'idée de l'honneur et de la vertu à l'amour et à l'observation de toutes les lois ; que le guerrier qui manque à la discipline soit déshonoré comme celui qui fuit devant l'ennemi.

Qu'il apprenne à ne pas changer et à ne pas multiplier ses lois ; il faut qu'elles soient respectées, mais il ne faut pas qu'elles épouvantent. Qu'il soit aimé ; dans un pays où l'honneur doit régner, il faut aimer le législateur, il ne faut pas le craindre.

Il faut que l'honneur donne à tout citoyen l'horreur du mal, l'amour de son devoir ; qu'il ne soit jamais un esclave attaché à son état, mais qu'il soit condamné à la honte, s'il ne peut faire aucun bien.

Que le prince soit persuadé que les vertus qui fondent les sociétés, petites et pauvres, soutiennent les sociétés étendues et puissantes ; et les Mandevill et leurs infâmes échos ne persuaderont jamais aux hommes que le courage, la fidélité à ses engagements, le respect pour la vérité et pour la justice ne sont point nécessaires dans les grands états.

Qu'il soit persuadé que ces vertus et toutes les autres accompagneront les talents, quand la célébrité et la gloire du génie ne sauveront pas de la honte des mauvaises mœurs : l'honneur est actif, mais le jour où l'intrigue et le crédit obtiennent les honneurs est le moment où il se repose.

Les peuples ne se corrompent guère sans s'être éclairés ; mais alors il est aisé de les ramener à l'ordre et à l'honneur : rien de si difficîle à gouverner mal, rien de si facîle à gouverner bien, qu'un peuple qui pense.

Il y a moins dans ce peuple les préjugés et l'enthousiasme de chaque état, mais il peut conserver le sentiment vif de l'honneur.

Que l'industrie soit excitée par l'amour des richesses et quelques honneurs ; mais que les vertus, les talents politiques militaires ne soient excités que par les honneurs ou par la gloire.

Un prince qui renverse les abus dans une partie de l'administration, les ébranle dans toutes les autres : il n'y a guère d'abus qui ne soient l'effet des vices, et n'en produisent.

Enfin, lorsque le gouvernement aura ranimé l'honneur, il le dirigera, il l'épurera ; il lui ôtera ce qu'il tenait des temps de barbarie, il lui rendra ce que lui avait ôté le règne du luxe et de la mollesse ; l'honneur sera bien-tôt dans chaque citoyen, la conscience de son amour pour ses devoirs, pour les principes de la vertu, et le témoignage qu'il se rend à lui-même, et qu'il attend des autres, qu'il remplit ses devoirs, et qu'il suit les principes.

HONNEUR, (Mythologie) divinité des anciens Romains. Ils étaient bien dignes d'encenser ses autels, et d'entrer dans son sanctuaire ; il leur appartenait de multiplier ses temples et ses statues. Quintus Maximus ayant montré l'exemple à ses concitoyens, Marcus Claudius Marcellus crut pouvoir encore renchérir ; celui qu'on avait nommé l'épée de Rome, qui, fut cinq fois consul, qui, rempli d'estime pour Archimède, pleura sa mort, et ne s'occupa que du désir de conserver ses jours en assiégeant Syracuse ; un tel homme, dis je, pouvait hardiment bâtir un même temple à l'Honneur et à la Vertu. Ayant cependant consulté les pontifes sur ce noble dessein, ils lui répondirent qu'un seul temple serait trop petit pour deux si grandes divinités ; Marcellus gouta leurs raisons. Il fit donc construire deux temples à la fais, mais voisins l'un de l'autre, et bâtis de manière qu'il fallait passer par celui de la Vertu, pour arriver à celui de l'Honneur ; c'était une belle idée, pour apprendre qu'on ne pouvait acquérir le véritable honneur que par la pratique de la vertu. On sacrifiait à l'Honneur la tête découverte, pour marquer le respect infini qu'on devait porter à cette divinité.

Elle est représentée sur plusieurs médailles sous la figure d'un homme, qui tient la pique de la main droite, et la corne d'abondance de l'autre. Mais j'aime mieux celles où, au lieu de pique, l'on voit une branche d'olivier, symbole de la paix. C'est ainsi qu'elle est sur des médailles de Titus ; ce prince qui, comptant ses jours par ses bienfaits, mettait son honneur et sa gloire à procurer la paix et l'abondance. (D.J.)

Honneur se prend encore en divers sens ; ainsi l'on dit, rendre honneur à quelqu'un : alors c'est une marque extérieure par laquelle on montre la vénération, le respect qu'on a pour la personne ou pour la dignité.

On dit le point d'honneur. Voyez POINT D'HONNEUR.

Les conseillers d'honneur sont ceux qui par un titre particulier, ou par une prérogative attachée à leurs places, ont droit d'entrer dans les compagnies pour y juger, ou y avoir séance. Il y a des ecclésiastiques, des gens d'épée, qui entrent au conseil d'état comme conseillers d'honneur.

On appelle chevaliers d'honneur, les écuyers et ceux qui donnent la main aux reines et aux princesses.

Dames d'honneur, filles d'honneur, celles qui ont cette qualité dans leur maison, dans leur suite. Enfans d'honneur, les gentilshommes qui sont élévés pages chez les grands.

Les honneurs du louvre sont certains privilèges affectés à quelques dignités, aux charges, particulièrement à celles de duc et pair, de chancelier, etc. comme d'entrer au louvre en carrosse, d'avoir le tabouret chez la reine, etc.

Les honneurs de la maison, d'un repas, sont certaines cérémonies qu'on observe en recevant des visites, en faisant des fêtes, et qu'on rend par soi-même, ou par quelque personne à qui on en commet le soin, comme d'aller recevoir les personnes, ou les reconduire avec soin, de les bien placer, de leur servir les meilleurs morceaux, etc. et de faire toutes ces choses d'une manière agréable et polie.

Les honneurs de ville sont des charges et fonctions que les bourgeois briguent pour parvenir à l'échevinage. Il a été commissaire des pauvres, marguillier de sa paraisse, juge-consul, quartenier, conseiller de ville, et enfin échevin : il a passé par tous les honneurs de la ville.

Les honneurs de l'église sont les droits qui appartiennent aux patrons de l'église et aux seigneurs hauts-justiciers, comme la recommandation au prône, l'encens, l'eau-benite, la première part du pain-beni, etc.

Les honneurs est un nom qu'on donne aux principales pièces qui servent aux grandes cérémonies, aux sacres des rois et des prélats, aux baptêmes, etc. comme le crémeau, les cierges, le pain, le vin, etc. C'étaient tels seigneurs, telles dames, qui portaient les honneurs en une telle cérémonie.

Dans les obseques, on présentait autrefois les honneurs, c'est-à-dire, l'écu, le timbre, l'épée, les gantelets, les éperons dorés, le pennon, la bannière, le cheval, etc.

Les honneurs funèbres sont les pompes et cérémonies qui se font aux enterrements des grands, comme tentures, herses, oraisons funèbres, etc.

Les honneurs au jeu des cartes, ce sont les peintures ; le roi, la dame, le valet, les matadors à l'hombre.

On appelle point d'honneur, en termes de Blason, une place dans l'écu qui est au milieu de l'espace enfermé entre le chef et la fasce, ou le lieu où on les place ordinairement. On appelle aussi quartier d'honneur, le premier quartier ou canton du chef. Voyez POINT et ECU.

HONNEUR, terme de commerce de lettre de change. Faire honneur à une lettre de change, c'est l'accepter, et la payer en considération du tireur, quoiqu'il n'ait pas encore remis les fonds. Vous pouvez toujours tirer sur moi, je ferai honneur à vos lettres.

Faire honneur à une lettre de change, s'entend encore d'une autre manière ; c'est quand une lettre de change ayant été protestée, un autre que celui sur qui elle a été tirée, veut bien l'accepter, et la payer pour le compte du tireur ou de quelque endosseur. Voyez ENDOSSEUR, LETTRE DE CHANGE, PROTEST et TIREUR. Diction. de commerce. (G)